Cet article est la republication de ma contribution au podcast Radio Village Innovation publié en février 2020.
Merci encore à Emmanuel Baudoin qui m’a intégré à ce projet à l’époque ainsi qu’à Valérie Meret qui réalisait les enregistrements.
Tout de suite le podcast audio
Et sa transcription textuelle :
Bonjour à tous et bienvenue dans ce nouveau parole d’expert. J’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui Arnaud Coulon, Consultant en transformation digitale des Ressources Humaines chez Sopra Steria Next et membre du pôle RH de IMT-BS. Nous allons parler ensemble des perspectives de l’usage des données pour les ressources Humaines. Quel constat faîtes-vous aujourd’hui ?
Ce n’est plus une surprise, les données et leur utilisation transforment les métiers et la fonction RH n’est pas épargnée. Non seulement puisqu’elle est responsable des compétences de son entreprise mais aussi en tant qu’utilisatrice de données. Qu’il s’agisse de comprendre les principes de ces technologies ou d’en bénéficier, les DRH doivent comprendre et s’approprier ces enjeux pour leur service et leur population.
Quels sont les prérequis afin de mettre en place un projet de Data RH ?
La première étape, bien entendu, est de savoir pourquoi l’on souhaite utiliser les données RH, quelle est la finalité ? Ce questionnement assure que les directions prises en termes de technologies seront adaptées.
Vient ensuite une étude d’exploitabilité des données. Un audit permettra d’identifier les risques à la mise en place de projets Data et comment les corriger. On dénombre 4 critères fondamentaux pour exploiter les données dans des conditions optimales :
- La confidentialité, consiste à s’assurer que seules les personnes autorisées aient accès aux données
- La traçabilité, permet de suivre les mouvements et les modifications de l’information
- La disponibilité, assure une accessibilité de l’information à la personne, au lieu et au temps prévu
- L’intégrité, garanti que l’information ne sera modifiée que par des personnes autorisées selon un procédé défini
Ajoutons également la qualité et la complétude de la donnée qui facilite sont traitement, et son exploitation.
Mais toutes les entreprises ne sont pas égales face à cette problématique…
En effet, une étude de nos confrères constate différents niveaux de maturité des entreprises au Big Data selon :
- La prise en compte stratégique du sujet par l’entreprise et ses dirigeants
- La diversité des dispositifs de collecte et d’exploitation de données
- L’existence d’équipes dédiées à l’exploitation des données (data analyst, data scientist)
- L’utilisation d’outils et de nouvelles technologies dédiées à l’exploitation de la donnée
- L’anticipation des risques associés à l’utilisation de la donnée
Ceci nous offre un nuancier de situations dans lequel les entreprises découvrent le concept de Data for People ; s’informent sur les solutions existantes ; ont des projets de mise en place de solution ; réalisent des POC et enfin ont une solution en production qui exploite la plupart des données disponibles. Cisco par exemple utilise des données internes (postes, compétences) et externes (bassin d’emploi, attractivité des territoires) pour réaliser son Workforce Planning. C’est un exemple très pertinent d’utilisation des données à des fins de convergence des intérêts de l’entreprise et de ses collaborateurs.
Pourtant les projets de Data RH peinent à décoller dans les entreprises alors que leur intérêt est connu et partagé par tous.
En effet, une première raison à ce phénomène est le caractère ésotérique du sujet. Il est difficile d’imaginer pour des professionnels non experts les potentiels de la technologie et la complexité qu’elle recouvre. De nombreuses ressources existent afin de comprendre les bases de la Data Science et l’IA.
La seconde raison est un manque de moyen. Les services Ressources Humaines ne disposent pas suffisamment d’outils ni de compétences pour mettre en place des projets d’exploitation poussée de leurs données. Afin de déclencher l’investissement, il est nécessaire de démontrer le ROI, qui s’illustre souvent en Ressources Humaines par la disparition de coûts.
La dernière, la plus louable, est une prudence quant à l’usage des données. En effet, les services RH doivent respecter des d’obligations dont certaines concernent le traitement des données personnelles.
J’aime à voir ces outils comme un marteau. Ce dernier peut servir à construire une maison comme à en détruire une. Tout dépendra de la main qui le porte. Par exemple, la technologie permettrait d’identifier les collaborateurs adoptant des comportements de futurs démissionnaires tel que la visite de job boards et de notifier le manager afin qu’il réagisse. Ce type d’application est-il souhaitable ? On touche du doigts les dilemmes éthiques qu’engendrent l’intelligence artificielle appliquée au Ressources Humaines.
Comment faire pour répondre à ces dilemmes ?
La machine n’apprend que de la manière dont elle est programmée et avec les connaissances qui lui sont apportées. Ainsi Amazon a désactivé son intelligence artificielle de recrutement car elle engendrait de la discrimination entre les hommes et les femmes. Et pour cause, le programme avait principalement été entrainé sur des profils d’hommes et reproduisait ce biais dans ses conclusions.
Il ne faut donc pas négliger l’importance des connaissances et compétences métiers dans de tels projets. En effet, les professionnels RH ont conscience de ces problématiques et sont les plus à même d’en discuter. La technologie doit être au service du métier et non l’inverse.
En bilan, quelles sont les perspectives pour les services RH ?
Le rôle du service RH s’est transformé. De gestionnaire administratif il doit désormais participer à la transformation organique de l’entreprise dans un contexte de société mouvante. Ainsi l’utilisation des données RH permet déjà de simplifier et d’automatiser un certain nombre de tâches. Il doit désormais permettre de fiabiliser l’information afin de faciliter la prise de décision. Fondamentalement, un certain nombre de décisions incombent à l’humain qui se doit de mettre en avant ses capacités relationnelles, où réside la véritable plus-value face à la machine.