Le 1er mars dernier, toutes les entreprises de plus de 50 salariés ont dû publier leur index égalité professionnelle.

Cet index s’attaque à une véritable problématique : l’égalité salariale entre les femmes et les hommes. En effet, les entreprises doivent s’assurer, qu’à compétences, performance et travail égal, il n’existe pas de différence de rémunération basée sur quelque critère que ce soit, dont le sexe.

Le gouvernement a donc imposé la publication de l’index égalité professionnelle. Pour cela, il met à disposition un fichier détaillant les calculs sur le site index-egapro.

L’indicateur d’égalité professionnelle est un agrégat reposant sur 5 composantes :

  • Ecarts de rémunérations, 40% de la note finale
  • Ecarts d’augmentation, 20% de la note finale
  • Ecarts de promotion, 15 %de la note finale (ne concerne que les entreprises de plus de 250 salariés)
  • Augmentations suivant un congé maternité, 15% de la note finale
  • 10 plus hautes rémunérations, 10% de la note finale

Cet index est intéressant par sa simplicité. Les données utilisées sont des données standard de gestion administrative. Il permet une comparaison temporelle et interentreprises. Il est possible constater sa propre évolution et de se comparer avec d’autres acteurs.

Néanmoins, l’index égalité professionnelle est imparfait. Si vous souhaitez piloter une politique d’égalité salariale sincère, vous devez aller plus loin. Pour s’en rendre compte, regardons la 1ère composante de cet index qui compte pour 40% de la note finale.

L’écart de rémunération compose 40% de la note. C’est l’indicateur le plus important de l’index. Pourtant, c’est l’indicateur le plus discutable. Il utilise un calcul qui risque de biaiser les résultats. Elle présente pourtant des imprécisions statistiques importantes.

Je vous propose de prendre un jeu de données fictifs qui obtient la note maximale sur l’indicateur écarts de rémunérations :

Retirons la notion de tranche d’âge pour simplifier l’analyse

Le constat est sans appel, les rémunérations par CSP sont parfaitement égales !

Pourtant, s’il l’on représente la distribution des salaires, il semble que des écarts existent.

Ce constat contredit l’apparente égalité salariale que nous avions présenté dans notre tableau. Mais pourquoi n’avons-nous pas vu cet écart ?

Parce que cet composante utilise un calcul dont nous avons déjà parlé : la moyenne. Pour plus de clarté, concentrons-nous sur les employés :

On constate deux choses :

  • Les hommes ont tous le même salaire, situé à 2 000€
  • Il y a deux groupes de femmes : une majorité à 1 950€, et une minorité à 2 200€

Or, les valeurs extrêmes impactent la moyenne. Ici, nous aurions conclu que, parce qu’une femme gagne plus que les hommes, il y a égalité salariale dans l’entreprise… C’est un peu précipité !

Lorsque l’on parle de rémunération, je vous recommande d’utiliser la médiane. Celle-ci présente la valeur telle que 50% de vos données sont au-dessus et 50% sont au-dessous. Elle offre une représentation non influencée par les valeurs extrêmes. Elle complète donc la vision apportée par la moyenne.

Ainsi, en utilisant la médiane, nous aurions obtenu la note de 0/40 à la composante écart de rémunération. Nous aurions d’office eu une note inférieure au minimum demandé.

Cette composante de l’index égalité professionnelle utilise la moyenne. C’est un calcul statistique que nous utilisons tous au quotidien. J’ai délibérément construit le jeu de données afin de mettre en évidence un biais : la surreprésentation des valeurs extrêmes. Le jeu de donnée est donc assez loin de ce que l’on pourrait observer sur le terrain. Gardez néanmoins à l’esprit que ce biais existe. Il peut fausser les analyses et donc la décision.

Les autres composantes de l’index égalité professionnelle ne présentent pas d’imprécision statistique aussi évidente que l’écart de rémunération. La principale critique que l’on peut adresser est le manque de prise en compte du contexte.

En effet, ils ne tiennent pas compte des spécificités du secteur d’activité de l’entreprise. Par exemple, il est connu que les métiers du BTP ou du numérique sont plutôt masculins, et les métiers de la santé, de la vente en magasin, sont plutôt féminins.

L’absence de barèmes spécifiques nous laisse penser que l’égalité professionnelle parfaite devrait être atteinte. Ce qui est un peu utopique. Il sera en effet difficile d’avoir 50% de femmes dans les 10 rémunérations les plus élevées dans un secteur composé à 20% de femmes.

Cette critique peut être tempérée par l’approche temporelle de l’index. En effet, l’objectif est autant de disposer d’une comparaison inter-entreprise, que de constater sa progression dans le temps.

L’index égalité professionnelle est une avancée pour la cause de l’égalité femme / homme. Il impose des calculs simples sur des éléments de la rémunération standard. Il propose une information synthétique, facilement compréhensible et comparable. C’est un exercice de transparence nécessaire tant que l’égalité salariale ne sera pas une évidence.

Mais cet index reste imparfait d’un point de vue statistique, et ce pour sa composante la plus importante : les écarts de rémunération.

Par ailleurs, la construction d’indicateurs est le résultat de choix et d’arbitrages comme l’indique Clotilde Coron. La quantification implique nécessairement une approximation de la réalité. Cela est d’autant plus vrai pour des indicateurs génériques et transposables. Ces derniers font perdre le contexte, pourtant si important en analyses de données.

En outre, l’égalité professionnelle dépasse très largement le sujet de la rémunération. Au sein de l’entreprise, l’ensemble des décisions prise à un niveau individuel (affectations de missions, de formations…) peuvent être biaisée par une discrimination plus ou moins consciente.

Je vous invite donc à questionner vos données sur l’ensemble de votre activité : recrutement, formation, évaluation, rémunération, départ… Et de garder le prisme de l’égalité professionnelle. Vous pourriez y trouver des enseignements riches de sens.

Par ailleurs, l’égalité professionnelle dépend de la place de la femme mais aussi de l’homme sur le lieu de travail comme au foyer, bref dans l’ensemble de la société.

L’employeur a-t-il donc vraiment un rôle à jouer ?

Je pense que oui. Il s’agit de de permettre à celles qui le souhaitent de réussir professionnellement, sans ressentir de discrimination. Il s’agit de promouvoir la diversité, reconnue comme facteur de performance pour l’entreprise, mais surtout comme source d’équité pour une entreprise plus juste.

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